Le Ventre et la Tête

Le Ventre et la Tête

Crime littéraire

On me dit que j'écris bien.

On me dit que ce que j'écris est bien écrit, qu'on y sent une patte, que c'est intéressant, et bien mené. On me dit « Mais où trouvez-vous tout ça ? » On me dit « Quelle imagination ! » On me dit « C'est fou d'écrire autant et d'écrire aussi bien ! » On me dit, en somme, que je suis un bon écrivain.

Mais on me dit aussi autre chose.

On me reproche d'écrire dans des styles différents. Je n'aurais jamais cru que cela puisse constituer un crime littéraire. J'aurais plutôt pensé que c'était une richesse, la preuve d'une capacité particulière mais aussi d'une personnalité aux multiples facettes. Et c'est ce que je crois. Je n'ai rien contre les artistes qui ont une unité stylistique, ni contre ceux qui changent tout le temps de façon. Pour moi, seul importe le résultat. S'il est bon, ou s'il m'agrée, pour être plus juste, s'il m'apporte quelque chose, ça me va. Je suis tout simplement ébahie par les capacités artistiques des gens.

MAIS ce n'est pas l'avis de tout le monde. Car il y a des normes. Il y a l'Œuvre majuscule, celle qui est SERIEUSE, celle qui a demandé de prendre la pose du penseur de notre ami Rodin et qui permet, dans les interviews, d'avoir l'air plus intéressant que la planète entière. Cette oeuvre-là serait le gage de la haute intellectualité et de la sensibilité supérieure qu'on attend, de façon convenue, de l'Artiste. Les mines renfrognées et les handicapés du monde pratique sont donc les bienvenus, d'autant plus s'ils parlent comme s'ils communiquaient à toute heure avec l'au-delà.

Et bien sûr, pour que l'oeuvre ait encore plus l'air d'être sérieuse, il faut des interviewers, des parasites en tout genre du monde littéraire, qui aient, eux aussi, des mines sérieuses, intellectuelles, « élevées ».

 

Cela étant dit, pour moi, les choses ne sont pas bien compliquées. On n'a pas besoin d'être artiste pour souffrir atrocement : c'est le cas des trois quart de la planète. On peut être très intelligent et ne pas écrire un seul mot, et, à l'inverse, n'avoir rien à dire et remplir des pages et des pages, et les vendre très bien.

 

Et puis, pour finir, je pensais personnellement – mais je suis décidément naïve – que le seul crime que pouvait commettre un écrivain, c'était de mal écrire. Me voilà maintenant au fait de la question : dans le monde de l'art comme dans celui des entreprises ou des milieux sociaux, il y a des normes, et gare si on ne s'y plie pas !



10/09/2012
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