Le Ventre et la Tête

Le Ventre et la Tête

Renouer (10 septembre 2012)

 

 

Il y a cinq ou six ans, j'ai brisé des fils.

Je disais, après : « j'ai perdu la magie, mais j'ai gagné en force. Je ne suis plus pareille. » Et dans mon cœur, je regrettais cette perte, je sentais que c'était dommage, un préjudice que je me faisais, mais c'est qu'on m'avait fait mal exactement là où j'étais belle.

On m'avait triturée, martyrisée, exactement là où on m'enviait. Moi qui prenais toujours tout en plein ventre, et qui n'avais nul bouclier pour protéger mes fragilités, j'ai voulu me défendre.

J'ai voulu que plus jamais on n'ose m'attaquer, et au final ? Au final quoi ? J'ai perdu ma magie, et mon cœur est toujours aussi tendre aux attaques. Alors reprendre ma magie… oui. Retrouver ma magie, ma poésie, mes mots, ma beauté, oui. Retrouver mon plaisir, ma propension à m'évader, à ressentir, à créer des ailleurs, à émerveiller et à emmener loin, très loin de la vie réelle, oui.

 

Je suis une magicienne.

En vérité, c'est cela que je suis : une magicienne.

Je suis une magicienne qui fait rêver les gens avec des mots, avec mon imagination, mes dérapages incontrôlés, mes glissades mentales. Alors rêver, rêver et raconter, oui. Inventer des histoires. Comme au début, dans mon enfance de l'art à moi. Imaginer des contes, puis les donner.

 

Je croyais que ce n'était pas sérieux. Je croyais qu'écrire des contes, ce n'était pas sérieux, mais ça l'était.

Je croyais que seuls les romans étaient sérieux – c'est ce qu'on dit, c'est ce qu'on me disait : « Alors, quand est-ce que tu te mets à écrire un roman ? C'est bien beau, les contes, mais enfin… » Le mépris. Pour la France, qui se plait à se qualifier d'exception culturelle, qui s'enorgueillit d'elle-même à longueurs de cocktails et de bouches en cul de poule, la norme est plus importante que la création. Et la norme, c'est le roman bien cadré. Le restant – poésie, nouvelles, contes – étant de peu de valeur – comme si ça ne pouvait pas constituer une œuvre.

On dit, ici, que l'oeuvre, la seule, la vraie, pour un écrivain, c'est le roman. Bêtise que cela ! L'oeuvre, c'est celle qu'on fait selon son âme et son cœur, non selon des normes bêtes dictées par les exigences de gens qui ne savent pas ce qu'écrire signifie !

 

Avant, j'étais une enfant. Je veux dire : avant, quand j'étais pourtant déjà adulte, j'étais une enfant. J'ai fait beaucoup pour grandir, j'ai sacrifié de moi, et j'ai grandi. Mais je suis toujours une enfant. Et je le serai toujours.

Je croyais que ce n'était pas bien d'être une enfant alors qu'on n'en a plus l'âge – et sous certains aspects, en effet, ce n'est pas très agréable. Mais sous d'autres, c'est plus que bien, ou différemment que bien, car c'est une partie de moi essentielle. C'est là que je trouve mes meilleurs atouts pour créer. Là que je suis ce que je suis de mieux. Là encore que la créatrice est née, l’enfant poète, la magicienne qui d'un coup de baguette magique fait surgir des mondes qui pullulent de vie !

 

Alors aujourd'hui, je reprends ma fragilité, malgré les inconvénients que ça pose. Je reprends mes côtés autiste, enfant, petite créature effrayée par le monde, scandalisée et impuissante de ce qui s'y passe d'injuste.

Et c'est ainsi que je vais écrire autrement. Avec tout ce que j'étais jusqu'à il y a cinq ans, et tout ce que j'ai appris depuis.

 

Alors seulement parviendrais-je peut-être à écrire vraiment avec tous mes mots à moi, tout ce mélange de lucidité, de déséquilibre et de rêve – avec, en définitive, le ventre et la tête.

 



10/09/2012
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